Le garagiste voit de plus en plus fréquemment sa responsabilité engagée en cas d’exécution défectueuse ou insuffisante de travaux de réparations confiés par l’un de ses clients. La tendance des tribunaux est de protéger le consommateur censé être en état d’infériorité vis-à-vis du professionnel qui de ce fait est fréquemment et lourdement condamné.
Les principes de droit
Lorsqu’un client confie son véhicule aux fins de réparations à un garagiste, il se noue entre eux un contrat d’entreprise. Dans ce cadre, le garagiste contracte plusieurs obligations : de réparer le véhicule, de sécurité et de conseil. En droit commun de la responsabilité contractuelle, il appartient à celui qui allègue que son cocontractant a mal exécuté sa prestation d’en rapporter la preuve. En d’autres termes, il doit prouver qu’il a commis une faute.
Dans le cas du garagiste, la jurisprudence, après avoir longtemps retenu une présomption de faute, précise désormais que le client doit démontrer que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans la prestation fournie par le garagiste. S’il y parvient, le garagiste est alors présumé être fautif et sa responsabilité est engagée de plein droit.
L’obligation de réparer
Le garagiste qui accepte de réparer un véhicule est tenu de le remettre en état de marche. Il s’agit d’une obligation de résultat dont il ne pourra se libérer si l’intervention se révèle défectueuse qu’en prouvant qu’il n’a commis aucune faute lors de l’intervention.
Il doit démontrer qu’il a suivi les instructions du constructeur, qu’il a été d’une particulière diligence lors de l’exécution de son travail, que la panne qui est survenue postérieurement provient d’une erreur d’utilisation ou d’un défaut d’entretien incombant au client ou qu’elle est la conséquence d’une usure normale du véhicule qui a parcouru un nombre importants de kilomètres depuis son intervention ou que cette panne n’a aucun lien avec son intervention.
L’obligation de conseil de la part du garagiste
A ce titre, le garagiste doit notamment :
- mettre en garde le client contre les conséquences du mauvais fonctionnement d’un organe du véhicule (spécialement s’il concerne la sécurité)
- attirer son attention sur le fait que la réparation est trop onéreuse compte tenu de la valeur vénale du véhicule
- effectuer les travaux nécessaires et seulement ceux-ci après avoir procédé à un diagnostic complet
Il ne peut dans ce cadre se fier aux indications de son client qui n’est pas un professionnel. C’est ainsi par exemple qu’un garagiste a été condamné à rembourser le remplacement du moteur d’un véhicule tombé en panne 150km après qu’il ait été procédé au remplacement d’un joint de culasse sur la base des indications du client qui avait confondu l’indicateur de température d’eau et le témoin de pression d’huile.
Si la défaillance d’une pièce impose une nouvelle intervention après la première réparation, le garagiste doit prouver que l’usure de la pièce défectueuse n’exigeait pas qu’elle fut remplacée lors des premiers travaux. Le garagiste doit prouver qu’il a rempli son obligation de conseil. Même s’il s’agit d’un fait qui peut être démontré par tous moyens, la prudence veut de se ménager une preuve écrite.
Si le garagiste établit qu’il a clairement averti son client sur le caractère aléatoire de son intervention, il est alors exonéré de sa responsabilité. Ainsi par exemple, il est confié à un garagiste aux fins de réparation d’un joint de culasse un moteur à l’évidence hors d’usage. Le garagiste déconseille cette réparation. Le client insiste néanmoins pour qu’il soit procédé au changement du joint défectueux. Quelque temps après le moteur cède et le client engage la responsabilité du garagiste. Il est débouté de sa demande.
La Cour considère en effet que le garagiste avait réussi à démontrer qu’il l’avait mis en garde et fait toutes réserves sur la tenue de son intervention, étant précisé également que la réparation avait été effectuée dans les règles de l’art et qu’elle n’était pas à l’origine de la panne ultérieure objet du litige dû à l’affaiblissement d’une pastille d’étanchéité du bloc moteur consécutif au vieillissement et à l’usure du moteur.
L’obligation de sécurité
Le garagiste en est tenu et ne peut s’en exonérer qu’en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. L’arrêt de principe a été rendu dans une espèce où le client avait perdu le contrôle de son véhicule et occasionné un accident de la circulation dû selon l’expert à la non remise en place d’un frein d’écrou au cours d’une précédente réparation.
Le garagiste a été déclaré responsable non seulement des dommages corporels et dommages matériels subis par son client, mais également de ceux qu’il avait occasionnés aux tiers impliqués dans l’accident. Il est important de préciser que le garagiste peut également être poursuivi sur un plan pénal pour mise en danger de la vie d’autrui, blessures ou homicides involontaires.
La responsabilité du fait des sous traitants
Le garagiste est responsable envers ses clients de ses sous-traitants (rectificateur, carrossier, électricien …), puisque le client n’a de lien qu’avec lui. En cas de faute commise par l’un de ses sous traitants il doit donc indemniser son client. Il peut bien sûr se retourner contre son sous-traitant (responsable vis-à-vis de lui), mais supporte les conséquences d’une éventuelle insolvabilité de celui-ci.
La responsabilité du fait des pièces utilisées
Lorsqu’il est membre d’un réseau de distribution, le garagiste doit utiliser des pièces fournies par le constructeur ou de qualité équivalente. Si la pièce utilisée s’avère défectueuse, le garagiste en est responsable envers son client, mais peut se retourner contre son fournisseur (recours beaucoup plus facile si le fournisseur est le constructeur). Le réparateur doit prendre garde à ne pas utiliser de pièces de contrefaçon car indépendamment des problèmes de qualité, des poursuites judiciaires pourraient être engagées contre lui du simple fait de leur utilisation.
Les limites à la responsabilité du garagiste
Il n’est responsable que de ce qu’il lui a été commandé. Un client demande à son garagiste de procéder au changement d’un balai d’essuie glace et de 4 bougies. Peu de temps après, il est victime d’une grave panne mécanique. Il reproche alors à son garagiste de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité d’avoir fait procéder à cette occasion à une vidange complète du véhicule qui avait parcouru plus de 60.000km entre deux révisions.
Il est débouté de ses demandes, la Cour considérant que l’ordre de réparations étant limité au changement d’un balai d’essuie glace et de 4 bougies et ne portant pas sur une révision périodique impliquant une vidange du véhicule, le garagiste en l’absence de commande d’une telle opération n’était pas tenu d’attirer l’attention de son client sur la nécessité d’y procéder.
Il n’est présumé responsable que si la panne trouve sa cause dans un organe sur lequel il est intervenu. Lorsque la panne trouve sa cause dans la défectuosité d’une pièce fournie par le client, le garagiste n’en est pas responsable. Le réparateur n’est responsable que des conséquences de sa faute. Ainsi, par exemple, il procède au remplacement d’un joint de culasse et peu de temps après le moteur cède.
Le client l’assigne en paiement du coût du remplacement du moteur et en remboursement de sa première intervention. L’expert constate que le remplacement du moteur était en toutes hypothèses nécessaire avant même l’intervention du garagiste. Celui-ci n’est donc condamné qu’au remboursement de la facture de ces travaux inutiles et non pas au remplacement du moteur.
En cas d’interventions successives de plusieurs garagistes, chacun d’entre eux n’est responsable que des travaux qu’il a lui-même effectués. Ainsi par exemple, un véhicule de collection subit des pannes répétées (dont une rupture du joint de culasse) à la suite d’une intervention d’un garagiste qui avait pour mission non un remplacement, mais une remise en état de marche du moteur. L’expert conclut que la rupture du joint de culasse n’était pas la conséquence d’une malfaçon du garage. Cette défaillance était qualifiée d’imprévisible. Les réparations effectuées par le garagiste révèlent la mauvaise qualité de la prestation d’un précédent réparateur qui a rendu nécessaire l’intervention du garagiste mis en cause dont l’absence de faute est ainsi prouvée.
Les pannes postérieures ne lui sont donc pas imputables.
Les ordres de réparations
Les exemples précédents démontrent que bien souvent le garagiste est condamné parce qu’il n’a pu prouver soit la nature réelle de son intervention, soit qu’il a utilement conseillé son client. Dans le cas contraire, il est souvent exonéré.
Le meilleur moyen de preuve étant l’écrit, le garagiste doit impérativement, avant toute intervention faire signer au client un ordre de réparations (encore appelé ordre de travail ou ordre de service) le plus détaillé et le plus précis possible car seul ce document permet de prouver ce que le client a commandé et ce qu’il a refusé. De la même manière, si la nécessité d’autres travaux apparaît en cours d’intervention (après démontage par exemple), il est nécessaire pour le réparateur de demander au client la signature d’un ordre de réparations complémentaire au besoin par mail ou par fax.
L’ordre de réparations est nécessaire non seulement lorsque la responsabilité du garagiste est engagée car cela lui permet d’établir la nature exacte de son intervention, mais également en cas de litige sur le paiement de sa facture. En l’absence d’ordre de réparations signé, il lui est extrêmement difficile d’obtenir le paiement des travaux effectués. C’est ainsi qu’il a été jugé que le garagiste ne peut réclamer le paiement de travaux qui n’étaient pas prévus au devis et qui avaient été effectués sans l’accord préalable de son client alors même que ces travaux étaient indispensables à une bonne réparation.
Le professionnel doit également préciser clairement sur l’ordre de réparations les travaux nécessaires refusés par le client. Il doit en toutes hypothèses être démontré par le garagiste qu’il a informé son client sur la nécessité de procéder à ces travaux et que c’est le client qui a pris l’initiative de les refuser. Si la référence à ces travaux apparaît comme c’est fréquemment le cas sur la facture il est impératif qu’apparaisse au regard de ces mentions la signature du client qui sinon pourrait prétendre, bien qu’ayant payé la facture qu’il n’en a pas eu connaissance.
Les ordres de réparations doivent être établis en trois exemplaires : un remis au client, un à l’atelier et le troisième destiné aux archives. De la même manière, les fiches d’atelier (ou de travail) doivent être conservées car en cas de litige elles sont systématiquement demandées par les experts judiciaires.
Les conséquences de la responsabilité du garagiste
Lorsque celle-ci est retenue, que ce soit de son fait ou de ses sous-traitants, les conséquences peuvent être très lourdes. L’exemple extrême est celui du client qui est victime d’un grave accident corporel après avoir confié son véhicule au garagiste (en raison par exemple de la perte d’une roue mal serrée).
Dans des hypothèses plus fréquentes, le garagiste sera tenu de rembourser la facture payée par le client si son intervention a été inefficace. Si elle a entraîné des conséquences plus graves, il devra en supporter le coût (par exemple remplacement défectueux d’un joint de culasse entraînant la nécessité de remplacer le moteur).
A ces préjudices directs, s’ajoutent également tous autres subis par le client tel que par exemple la nécessité de louer un véhicule pendant la durée de l’immobilisation, ce qui peut conduire au paiement de sommes extrêmement importantes, car l’immobilisation peut durer de nombreux mois, spécialement en cas de procès.
Pour conclure sur la responsabilité du garagiste
Nul n’est à l’abri d’une erreur dont il doit naturellement assumer les conséquences soit directement, soit par l’intermédiaire de son assurance. En revanche, il est anormal d’être condamné, comme c’est souvent le cas, sans avoir commis de faute uniquement parce que l’on n’a pas pu prouver son absence de responsabilité. La jurisprudence en a tenu compte en répartissant comme indiqué précédemment la charge de la preuve entre le garagiste et son client.