En matière d’accident de travail, la faute qualifiée d’« inexcusable » peut-être le fait du salarié ou de l’employeur. Bien qu’à l’origine, la faute inexcusable ne concernait que le salarié, la loi du 9 avril 1898 sur les accidents de travail est venue étendre son champ d’application en introduisant la faute inexcusable du « patron ». L’objectif était d’assurer une meilleure protection du salarié et d’améliorer la prévention des risques professionnels.
La faute inexcusable de l’employeur : principes généraux
Si la loi du 9 avril 1898 a introduit les articles L452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale relatifs à la faute inexcusable, elle n’apporta toutefois aucun élément de définition.
Définition de la faute inexcusable de l’employeur
La loi n’apporte aucune définition de la faute inexcusable de l’employeur mais, les juges sont venus pallier à ce manque en proposant une définition complète de faute inexcusable.
La faute inexcusable « doit s’entendre d’une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute ».
Toutefois, en 2002, les juges ont modifié leur interprétation dans une série de décisions concernant l’amiante.
Ils ont affirmé, au visa de l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale, que le contrat de travail qui lie le salarié à l’employeur fait peser sur celui-ci une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable dès lors que « l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».
Preuve de la faute inexcusable de l’employeur
Pour invoquer une faute inexcusable de l’employeur, la victime devra être en mesure de prouver que :
- L’employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel était exposé le salarié ;
- L’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié du danger.
Il convient de préciser que la faute inexcusable ne pourra être retenue que si l’accident revêt le caractère d’un accident de travail. En revanche, la reconnaissance d’une telle faute n’exige pas que l’accident ait été pris en charge comme tel par l’organisme social.
Commet ainsi une faute inexcusable :
- L’employeur qui ne veille pas à ce que ses ouvriers, qui travaillaient à une hauteur de plus trois mètres, emportent et utilisent les dispositifs obligatoires de sécurité sur un chantier dont il connaissait les risques.
- L’employeur qui, dans le cadre d’une politique de réduction des coûts, ignore les données médicales afférentes au stress au travail et provoque une surcharge de travail chez un salarié qui a été victime d’une crise cardiaque.
- L’employeur qui ne respecte pas les dispositions réglementaires de sécurité d’un chantier dont l’éboulement du bord supérieur d’une tranchée profonde de 2 mètres a blessé un ouvrier à la tête.
Les cas particuliers : présomption de la faute inexcusable
Le droit d’alerte et le droit de retrait
L’article L4131-1 du Code du travail prévoit une obligation pour le travailleur d’alerter « immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ». Ce même salarié dispose d’un droit de retrait, c’est-à-dire, le droit d’interrompre son activité afin d’éviter une situation dangereuse pour sa vie ou sa santé.
L’article L4131-4 vient préciser que le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur est de droit dès lors que le travailleur ou un représentant du personnel au comité social et économique avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est réalisé.
Le défaut de formation à la sécurité renforcée
L’article L4154-3 du Code du travail précise que la faute inexcusable de l’employeur est présumée, dès lors que des salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, des salariés temporaires ou des stagiaires en entreprise, ont été victimes d’accidents professionnels alors qu’ils ont été affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité et ce, sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée.
L’indemnisation de la faute inexcusable de l’employeur
Une fois la faute inexcusable de l’employeur qualifiée, la victime peut prétendre à une indemnisation complémentaire. Vous souhaitez être accompagné dans votre démarche de demande d’indemnisation ? Contactez maître Sorel.
La pluralité d’employeurs
L’indemnisation peut s’avérer complexe lorsqu’il y a pluralité d’employeurs. Toutefois, les juges ont précisé que le fait que la maladie professionnelle du salarié soit imputée à divers employeurs n’interdit pas à celui- ci, pour obtenir une indemnisation complémentaire, de démontrer que l’un d’entre eux a commis une faute inexcusable.
La majoration des indemnités
L’article L452-1 du Code de la sécurité sociale prévoit qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit perçoivent une majoration des indemnités, en rente ou en capital. Ces indemnités sont toutefois plafonnées :
- Pour la rente : elle ne peut excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’une incapacité totale.
- Pour la majoration en capital : elle ne peut excéder le montant du capital lui-même.
L’indemnisation de préjudices particuliers
Indépendamment de la majoration des indemnités, la victime a le droit de demander à l’employeur la réparation de préjudices particuliers tels que :
- les souffrances physiques et morales ;
- les préjudices esthétiques et d’agrément ;
- le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, cette dernière peut également percevoir une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. Une fois la faute inexcusable reconnue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, ce dernier désigne un expert judiciaire qui, après examen de la victime, émettra un avis dans un rapport d’expertise permettant au Tribunal de déterminer l’étendue des préjudices particuliers subis.